Cercle de l'Escrime a l'Epee - Salle Spinnewyn

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Dublin Core

Title

Cercle de l'Escrime a l'Epee - Salle Spinnewyn

Subject

Periodical

Description

Newspaper article about the fencing school of Anthime Spinnewyn with descriptions of the salle d'armes, notable students (including Maurice Maeteilinck, Belgian playwright, poet, and essayist), school culture, and Spinnewyn's technique and teaching approach.

Creator

Marcel Lami

Source

Cercle de l'Escrime a l'Epee, Salle Spinnewyn, Le Sport Universel Illustre, February 15, 1903, pp 106-108

Publisher

Le Sport Universel Illustre

Date

15 February 1903

Rights

© Fencing Arms & Artifacts

Format

27 x 35.2 cm (complete periodical, closed)

Language

French

Type

Text

Identifier

2020.06.001

Text Item Type Metadata

Text

CERCLE DE L'ESCRIME À L' ÉPÉE
SALLE SPINNEWYN
Passage Pigalle, une petite cour plantée d'arbres, un vestibule, et, flanquée de deux salons, la salle, tapissée de bout en bout de linoleum, toute blanche et vert pâle. Point ici de tableaux ; pas une parure, pas une panoplie. Pour tout décor, sur les murs nus et clairs, la lumière et des armes, des armes et la lumière ; sur les quatre faces, la rangée ininterrompue et symétrique des coquilles reluisantes et des lames parallèles. C'est sobre, sévère et joyeux. Premier signe : point non plus de tohubohu de curieux, papotant, jacassant, discutant. Les rares spectateurs debout ; second signe : ici un tireur doit rester droit comme son épée.

A tout seigneur, tout honneur : le maître. Je suppose que par impossible vous n'ayez jamais vu sa figure populaire dans le monde de l'escrime. Vous ne pourriez vous défendre d'un certain étonnement : un homme assez petit, ramassé ; une taille vigoureuse, mais épaisse, des membres massifs, et qui ne semblent point prédestinés aux mouvements déliés : Quoi ! c'est cet homme-là qui est un exécutant si fameux : qui a remporté le no. 1 à l'École de Joinville ; qui, plus tard, ayant abandonné le fleuret pour l'épée, a gagné, sur trente-deux professeurs, le grand prix du tournoi international; resté après l'épreuve, vierge de tout coup de bouton ! c'est ce bras court qui a triomphé des bras longs ! cette main épaisse des doigts subtils ! cette fente sans ampleur des fentes immenses ! Comment cela ? Par quel mystère ? Car c'est justement ce point si paradoxal qui est beau, et intéressant, et fertile en enseignements.

Regardez mieux ; dans la face du maitre puissamment charpentée, des yeux épieurs, étincelants de prudence et de force ; un front têtu : et, tout au bas du visage, une extraordinaire mâchoire très longue, très osseuse, si avancée qu'elle semble tout un promontoire hasardeux et obstiné. Et bien, c'est cette mâchoire, qui a, je vous l'assure, allongé le bras du maitre. Tout dans sa physiologie dit : je veux, tonnerre, je combattrai et je vaincrai. Et c'est pourquoi il à vaincu. Il montre qu'en escrime comme en toute chose, la vie est la grande puissance, et que la flamme peut devenir supérieure aux supériorités. Saluons. Le génie est une longue patience ; disons mieux, et plus fortement : une longue et ardente passion. Spinnewyn croit qu'il doit tout â sa méthode ; je soupçonne que sa méthode doit plus encore à son tempérament. Des méthodes il en pleut ; cela s'emprunte ; les hommes sont rares et les maîtres encore plus. Tel maître, telle leçon, telle salle. Spinnewyn anime de sa science enflammée toutes ces mains qui travaillent, tous ces yeux qui brillent, tous ces fronts ruisselants qui combinent, toutes ces lames droit tendues, point voltigeantes, immobiles, d'une ardeur concentrée, et qui soudain foncent, électriques. Des tintements d'épée, des commandements brefs : Spinnewyn donne leçon au très aimable président du cercle, M. Binot de Villiers. Regardons. La garde horizontale, nouvelle, et pourtant' très ancienne, la seule bonne, puisque c'est la seule qui garde en effet : des arrêts, des demi-fentes, des reprises d'attaque, sur la main, sur l'avant-bras ; toute cette menue escrime à distance, dont on peut penser ce que l'on voudra, mais qu'il faut bien savoir, puisqu'elle nous apprend à nous tuer le moins possible, et à ne nous point faire piquer par une mazette.

Mais Spinnewyn ne: s'en tient pas là. Dans la réaction contre la folle fantaisie du fleuret, les premiers épéistes par une simplification excessive, s'étaient bornés à ce jeu à la fois nécessaire et trop sommaire, si bien, qu'au grand scandale des amateurs de belles armes, on eût pu laisser chez soi, dans son lit et bien au chaud, sa poitrine et sa tête, avant d'aller sur le pré ou sur la planche. Mais la mâchoire de Spinnewyn, vous savez, la fameuse mâchoire qui a de l'avant, ne pouvait se contenter d'un jeu aussi raccourci, aussi peu combatif, et qui, pour tout dire, ne prépare que médiocrement à des duels passionnés. Regardez : maintenant ce sont des fentes complètes, des attaques nettes ou des reprises d'attaque; au masque en plein corps ; des hardiesses violentes savamment préparées : Rien, sauf, en principe, des attaques directes dans la ligne basse, n'est interdit : les liements, les enveloppements, les parades croisées jusqu'à la prime, tout ce qui avait été écarté par les premiers épéistes, est admis et pratiqué ici. C'est l'escrime complète, plus sobre seulement.,plus dure, plus prudente jusque dans la hardiesse, que l'aimable subtilité du fleuret. Un seul principe sur lequel Spinnewyn est intraitable : point de fioritures inutiles et la garde éternellement menaçante. Il veut que la prudence prépare l'audace, mais il n'ignore pas tout à fait que l'audace est aussi souvent une prudence.

Le maître parle en s'épongeant : « Ja ne veux pas que mes élèves s'a-mollissent en s'endormant sur les avancées qu'il ne faut pour-tant pas négliger. Avoir du sang-froid, ça n'empêche pas d'avoir le sang chaud. »

Le fait est qu'il a le sang chaud cet homme qui possède tant de sang-froid. Quelqu'un dit : « Allons travailler ». Il se retourne. On ne dit pas : allons travailler comme s'il s'agissait de maçonner ou de faire des gaufrés, on dit : allons faire des armes! » J'aime cette fierté : et comme deux adversaires ferraillent, il tonne : « Est-Ce que c'est de l'épée ou bâton, dites-moi ; la pointe en ligne, nom de nom, la pointe en ligne. »

Ainsi Spinnewyn, trouve moyen d'allier les talents de l'exécutant aux talents du maitre. Il a a la fois la science et la flamme, le feu sacré et l'autorité, la cordialité et l'orgueil, de sa profession. L'excellence de son art — l'art, en escrime, c-est-la méthode vue à travers un tempérament, et j'ai dit que sa méthode est forte et son tempérament puissant — a été démontrée par i'excellence de ses élèves, demeure inscrite dans le livre d'or dés tournais où ils ont remporté des succès rares, et, je crois bien, uniques. Voici d'abord Léon 'Bouché, neveu et élève du maitre, gagnant de la poule des prévôts de 1902, professeur très sage, tireur très chaud et promis — vous verrez — à un très brillant avenir. Puis, un des vainqueurs les plus justement célèbres : Willy Sulzbacher. Celui-la est mieux qu'un admirable escrimeur: un merveilleux exemple de la puissance transfiguratrice des armes. Regardez-le dans la rue : il est lent, doux, à l'état de repos même quand il marche, et, bien que tout jeune, — à moins qu'il ne s'escrimé avec sa canne, contre des adversaires imaginaires — il garde le col nonchalant et la tête fléchissante: mettez-lui les armes à la main, et voilà que le lent est devenu vite, le faible infatigable : muscles tendus, nerfs électriques, tète droite, ce petit homme mince, à l'état d'action méme quand il semble au repos, devient beau comme un cheval de sang ; et le voilà redoutable et plus que redoutable aux plus grands, aux plus forts et aux plus rapides. If rattrape le court de sa taille par la détente, le serré du jeu, la précision de ses arrêts.

Aimez-vous l'escrime plus violente et plus combative. Regardez M. H. -G. Berger. Cette fois, plus de menues feintes, et de dégagement dans la coquille. Il n'a point toujours la pointe en ligné, celui-là, bien que son bouton soit si souvent sur la pointe de l'adversaire.

Des battements de seconde très efficaces avec la gare nouvelle. Avez-vous le malheur de dégager, dans la ligne haute, un battement en sixte foudroyant et l'épée en plein corps. Jeu à la fois peu varié, très ardent, très toucheur. Notons un liement de seconde en avançant, tout à fait extraordinaire, et un coup droit de la ligne haute en bondissant, absolument étourdissant ; cela est irrégulier, dites-vous, ô grammairiens de l'épée ! Eh bien ! sachez que Berger a réussi cette attaque hérésiarque même sur l'incomparable Joseph Renaud. J'aime M. Berger. Il prouve qu'il y a plus d'une sorte d'escrime et que les principes ne valent pas les hommes.

La salle Spinnewyn remporte plus de succès que je n'ai de lignes ; on voit là encore je ne sais combien de vainqueurs habituels des poules ou des tireurs honorables. M. Hannonet de la Grange, tireur passionné, arbitre sage et savant, M. Gaucheron, jovial et fin, qui donne beaucoup et qui donnera plus encore, négligent avec supériorité (nous avons récemment admiré son très brillant assaut avec le maître Ruzé) M. Holzschuch, tireur de tête au jeu mathématique; les frères de la Chaume, aussi distingués épéistes que galants hommes ; Jehan Testevuide, nouveau venu dans le monde de l'escrime et qui sait déjà mettre dans son épée la finesse de son crayon, Jean Bouchor, au front doré par l'aube de tous les succès ; le vicomte d'Oyley ; MM. Robert de Rothschild, Peigné, etc. Jadis, avant son émigration vers le pays du soleil, Rochegresse venait là, dans cette salle très moderne, retrouver l'ombre des batailles antiques, et — qui le croirait? — l'élyséen Maurice Maeteilinck (le monde et les hommes sont pleins de ces contrastes déconcertants), à demi revenus de songes trop paisibles, ou sachant bien que l'épée est aussi une poésie puisque le monde est un combat, gagne ici, le fer en main, la santé et la puissance à laquelle nous devons de nouvelles élévations philosophiques ou de nouveaux drames à la fois exquis et profonds.

Car il y a plus de choses dans l'escrime que les escrimeurs ne pensent : elle est une revanche, une sauvegarde et une école pour les cérébraux eux-mêmes. Il est amusant — et mieux qu'amusant — de penser que les tintements des coquilles annoncent et préparent le retentissement des âmes; l'étincelle des fers, l'étincelle des esprits; et que les boutons des épées, par une métamorphose dont les Orientaux eussent fait un conte merveilleux, peuvent s'épanouir en roses.

Une de ces roses est la courtoisie. Ces messieurs, organisés en cercle, forment une société charmante et très unie, d'une politesse rendue vivante et joyeuse par la chaleur des combats. Deux membres du cercle, d'après un règlement à imiter, ne peuvent se battre sans avoir préalablement soumis leur différend au Comité. Il n'est pas d'exemple, je crois, qu'il ait eu à intervenir. Deux hommes en gilet, couverts de sueur, sont plus près l'un de l'autre que deux hommes irréprochablement redingotés. Et puis, soit tradition, soit compensation, les armes qu'on dit brutales, engendrent une cordialité virile et charmante. Et par un de ces paradoxes amusants dont la nature est pleine, des épées qui discourent — oh ! si peu et si rarement ne sont le plus souvent que des traits d'union étincelants entre des poitrines viriles.

MARCEL LAMI.

Owner / Custodian

Loaned for digitization by Benjamin Bowles

Digitization Record

Digitized by Benjamin Bowles ; Cataloged by Benjamin Bowles

Collection

Citation

Marcel Lami, “Cercle de l'Escrime a l'Epee - Salle Spinnewyn,” Fencing Arms & Artifacts, accessed October 8, 2024, https://fencingexhibit.com/items/show/150.

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